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Mobile, mais pas libre

JEUDI 3 MARS, ENTRE SAINTE-ELLE ET FAUNE

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Voilà déjà deux heures que Jean-Louis s'est arrêté dans ce petit chemin sur le bord de la départementale qui doit le ramener au dépôt pour une entrevue avec un fournisseur. Mais une fois de plus, ce technico-commercial de la coop Graindépi s'est laissé envahir par les conversations téléphoniques qui s'enchaînent. Et une fois de plus, il sera en retard à son rendez-vous.

Kit mains-libres rivé sur les oreilles et ordinateur portable sur les genoux, Jean Louis cherche les données culturales de Yannick, le céréalier qui vient de lui laisser un message pendant qu'il était déjà en ligne avec Nicolas. Il n'aurait jamais dû lui demander des nouvelles de ses parcelles, mais c'est plus fort que lui. Avec Yannick, ce sera différent, il a juste des problèmes de vulpins résistants dans une de ses parcelles de blé.

Coup d'oeil à sa montre, Jean-Louis se dit que ça peut bien attendre, que Gérard de PhytoScience va perdre patience au dépôt. Il regarde son téléphone mobile et repense au temps où il n'en n'avait pas. Comment faisait-il ? Et dire que c'est lui qui a fait le forcing auprès de la direction pour que tous les TC en soient équipés. Il jurait que cela lui faciliterait la vie, que c'était parce qu'il n'avait pas de téléphone mobile qu'il était débordé, que cet outil lui éviterait des déplacements improductifs.

Il avait compris, Jean-Louis, qu'avec un portable il passerait plus de temps chez lui, avec sa femme et ses enfants.

Ce matin cependant, comme souvent, Jean-Louis s'est isolé dans le salon pour répondre à son premier appel, à 6 h 30. C'est pourtant lui qui a instauré ce rituel, au début, pour quelques éleveurs que ça arrangeait de l'appeler assez tôt. Le problème, c'est qu'il y a aussi les autres, ceux qui appellent vers 22 heures quand ils ont un peu plus de temps à leur bureau.

Alors en repensant à tout ça, Jean-Louis se dit qu'il va falloir que ça change. A commencer par Yannick qu'il ne rappellera pas tout de suite, il attendra après le déjeuner. Mais à la seule idée que cela ne satisfasse pas pleinement ce céréalier, Jean Louis devine une goutte de sueur perler sur son front. Il sent le téléphone vibrer dans sa main moite, regarde l'écran et décroche, mécaniquement : " Allô ! Yannick ? Excuse-moi, j'allais justement te rappeler… "

Laurent Caillaud

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